Une enquête qui vient confirmer les engagements du Maroc quant aux Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030, d’établir les synergies et les interrelations entre les dimensions sociale, économique et environnementale du développement durable, et également enrichir la base de micro-données sur la perception de la population des problématiques déclinées par les principaux ODD.
L’enquête a concerné un échantillon de 14 560 personnes âgées de 18 ans et plus, dont 9 860 citadins, représentatif des milieux urbain et rural et des 12 régions du Maroc, et réparti à parts égales entre les femmes et les hommes.
Globalement, l’enquête est articulée autour des 8 modules suivants :
- 1) La pauvreté et les inégalités sociales :
43,6% des interviewés affirment l’existence de l’extrême pauvreté dans leur environnement. Ce taux passe à 39,8% dans le milieu urbain et 49,9% dans le rural. Le chômage est considéré comme étant la cause principale (57,1%), ajouté à la précarité dans l’emploi et aux inégalités sociales avec respectivement 13,5% et 9,8%.
Le phénomène de la mendicité est considéré existant de manière fréquente à 42,7%, très fréquente à 39,6% (50,9% dans l’urbain et 21,0% dans le rural) et rare à 17,7% (8,0% dans l’urbain et 33,8% dans le rural). Le chômage est également perçu comme cause principale de phénomène avec un taux de réponses de 45,4%, suivi des facteurs de profit monétaire de la pratique et de l’inaptitude de l’emploi (respectivement 33,7% et 20,9%).
Par ailleurs, 47,6% des répondants ont connaissance des programmes publics de lutte contre la pauvreté. Parmi ces programmes figurent l’INDH en première position avec 37% (dont 41,5% en ville et 28,5% en campagne), viennent ensuite les programmes « Aide aux veuves en situation de précarité », « Un million de cartables » et enfin le programme « Tayssir ». Près des 2/3 des sondés considèrent que les pauvres bénéficient peu de ces programmes, alors que près d’un quart d’entre croient que cette catégorie n’en bénéficie pas. Les raisons évoquées quant à la difficulté d’accès des pauvres à ces programmes résident en le népotisme, en la faiblesse de la pertinence de ces programmes et en les difficultés d’accès aux prestations (avec 40,6%, 36,7% et 22,7% respectivement).
Au cours des 10 dernières années, les inégalités sociales sont perçues en augmentation pour la majorité de la population sondée (63,5%), tandis que seulement 10,5% des répondants considèrent qu’il y a eu une baisse au cours de cette décennie dans ce sens. Les mesures préconisées pour réduire ces inégalités sont : l’amélioration de la qualité de l’emploi et la valorisation des salaires et des allocations de chômage (55,1%), la réduction de la pauvreté et de la précarité (30,8%) et l’amélioration des conditions d'habitat et d'accès aux services sociaux de base (10,3%).
- 2) La santé :
Le faible accès à la santé est essentiellement lié à la mauvaise qualité des services et au faible encadrement médical, mais également à la corruption ou au népotisme, à la faiblesse des revenus, à l’éloignement des infrastructures sanitaires notamment à la campagne et à l’absence ou l’insuffisance de la couverture médicale.
Par ailleurs, une large partie de la population rurale estime être située à 10 km et plus d’une infrastructure ou service de santé, en particulier d’un hôpital (85,9%), des urgences médicales (90,2%), des services de maternité (67,1%), d’un cabinet de médecin privé (66,1%), d’une pharmacie (43,3%), d’un dispensaire ou d’un centre de santé (26,6%) et des services de la protection civile (85,3%).
Près de la moitié des interviewés qualifient les prestations de la couverture médicale de faibles, 38,5% d’entre eux les considèrent moyennes, alors que seulement 17,3% l’estiment bonnes.
En outre, 39,7% de la population a fait face, au cours des 5 dernières années, à des dépenses de santé exceptionnellement élevées. Les sources de financement de ces dépenses se répartissent selon les répondants en : l’endettement (37%), les revenus (29,2%) et l’épargne (27,4%).
- 3) L’enseignement et la formation :
Concernant les politiques d’enseignement et de formation, leurs finalités devraient répondre en particulier, selon les interviewés, à préparer à l’emploi et à transmettre le savoir, et dans une moindre mesure, à enseigner le civisme et les valeurs de citoyenneté. Par ailleurs, les matières que l’enseignement devrait privilégier pour un meilleur accès à l’emploi s’articulent essentiellement autour des formations pratiques et des matières scientifiques.
D’autre part, les attributs d'un système d'enseignement et de formation performant consisteraient en des enseignants compétents (36,6%), des programmes de qualité (21,6%) et des infrastructures de qualité (20,7%).
La généralisation de la scolarisation fait face à des obstacles liés principalement au coût de l’enseignement (64,6%), mais aussi à l’éloignement des centres scolaires et au faible accès à l’emploi en second lieu.
Il est à souligner que 86,8% des répondants scolarisent leurs enfants dans le système d’enseignement public. Les répondants optant pour le privé, expliquent ce choix par la compétence des enseignants, la qualité des programmes et une meilleure communication de l’école avec son environnement en particulier (31,9%, 28,6% et 15,1% respectivement). Cependant, 71,1% de la population n’encouragent guère l’enseignement privé.
- 4) Egalité des sexes :
Seuls 41,6% de la population sondée affirment l’existence d’une égalité hommes-femmes dans leur environnement. Cependant, ce taux de réponses positives s’élève considérablement pour les items suivants : le marché de l’emploi: 68,5%, l'emploi public: 74,1%, l'emploi privé: 65,7%, l’accès à l’enseignement: 83,5%, l’accès à la santé: 79,6%, la rémunération salariale: 62,2% et l'accès au crédit bancaire: 72,4%.
Les causes des inégalités hommes-femmes seraient essentiellement dues aux traditions héritées (58,7%), mais s’expliquent également, selon les interviewés, par le fait que ce soit une réalité humaine (18,1%), par l’influence religieuse (9,3%), par le faible niveau scolaire de la femme (8,6%) ou par sa dépendance économique (5,3%).
D’autre part, la part de la population favorable à une parité hommes-femmes s’élève à 68,7% au sein du gouvernement, à 73,5% au niveau des responsabilités administratives, à 65,4% pour les directions des partis politiques et des syndicats, à 67,3% pour la magistrature, à 70,5% pour les responsabilités électives territoriales, à 71,1% à la représentation parlementaire et à seulement 13,2% pour l’héritage.
- 5) La croissance et l’emploi :
57,1% des répondants considèrent que l’emploi devrait être la finalité de la politique économique, alors que 32,6% d’entre eux estiment plutôt que c’est l’amélioration des conditions de vie qui devrait primer.
En outre, la faiblesse de l’offre d’emploi (33,5%), le népotisme dans l’emploi (17,6%), la faiblesse du niveau de l’enseignement (16,6%), la précarité dans l’emploi (12,2%) et l’inadéquation de la formation (11,0%) sont perçus comme les principales causes de la faible accessibilité à l’emploi.
Par ailleurs, les valeurs socioculturelles et la faiblesse de l’offre d’emploi limiteraient principalement l’accès des femmes à l’emploi, les faibles niveaux de qualification et d’expérience professionnelle de la femme passeraient en second lieu, d’après l’enquête. En revanche, à compétence égale, les causes des inégalités salariales dépendraient des disparités du mode de rémunération salariale : 44,7%, des inégalités de rendements : 29,1% et du niveau de formation : 21,8%.
Alors que la perception d’un emploi décent est liée principalement à un salaire suffisant, et également à un emploi régulier et à la protection sociale à un bien moindre degré, l’âge de retraite idéal estimé par la majorité des interviewés se situe à 60 ans. Tandis que les types d’emploi préférés sont l’auto-emploi et l’emploi public (41,4% et 33,1% respectivement).
- 6) L’environnement :
Plus de la moitié de la population a relevé de grands changements climatiques : hausse des températures : 37,2%, dérèglement des saisons : 31,5% (38,8% en milieu urbain et 19,2% en milieu rural) et récurrence de la sécheresse : 24,8% (18,3% en milieu urbain et 35,5% en milieu rural).
Parmi les principaux facteurs qui dégradent la qualité de l’environnement, on soulève ceux de l’insécurité, de la promiscuité démographique, de la pollution de l’air, de la faiblesse des infrastructures et des services et celui de l’habitat indécent ou clandestin.
L’approvisionnement en eau potable est jugé satisfaisant à 46,2%. Les faiblesses qui lui sont attribuées résident en la faiblesse de la qualité de l’eau (33,7%), en la facturation élevée (28,7%) (44,4% dans les villes) et en la difficulté d’accès aux sources (19,8%) (42,0% en campagne).
L’approvisionnement en électricité est, par ailleurs, jugé satisfaisant à 57,5%. Cependant, la facturation élevée demeure la raison principale de la faible qualité du service d’électricité.
Concernant les eaux usées, 38,5% de la population sondée estime avoir des problèmes d’évacuation des eaux usées. Des problèmes qui résident particulièrement en l’absence de réseau d’assainissement : 66,9% (41,1% en milieu urbain et 80,6% en milieu rural) et en les mauvaises odeurs ainsi qu’à la prolifération des maladies : 18,0%.
Les déchets ménagers constituent la principale source de pollution selon les enquêtés. Ils nuisent à l‘environnement en dégradant le cadre de vie (64,0%), en dégageant les mauvaises odeurs (20,2%) et en contribuant à la multiplication des maladies (14,2%).
La moitié des répondants affirment avoir pris l'initiative de changer de comportement pour contribuer à la protection de l'environnement durant les 5 dernières années. Parmi ces mesures, on peut retenir particulièrement : une meilleure gestion des déchets ménagers, une économie dans la consommation d’eau et l’abandon des sacs en plastiques.
35,1% de la population n’est pas disposée à recourir à l'énergie solaire contre l’abandon du gaz ou du bois. Les raisons avancées résident en le coût élevé des équipements d’énergie solaire et au manque de confiance dans les équipements de l'énergie solaire.
- 7) Une société pacifique :
Le niveau de criminalité est jugé élevé à 32,6% (44,8% dans l’urbain et 12,3% dans le rural), faible à 33,7% et nul à 33,7% (17,9% dans l’urbain et 60,2% dans le rural). Les crimes dominants seraient le vol (69,5%) et la violence physique (26,0%), alors que les principales causes de la criminalité demeurent l’usage des drogues, le chômage des jeunes et la pauvreté selon les interviewés (28,3%, 27,1% et 17,6% respectivement).
Alors que la moitié des répondants sont pour l’abolition de la peine de mort, 42,4% nient l’existence du phénomène de violence conjugale à l’encontre des femmes dans leur environnement (27,6% affirment qu’il y en a peu). Les raisons principales attribuées à la violence conjugale contre les femmes demeurent : la mauvaise éducation du mari (28,2%), les comportements provocateurs de la femme (19,0%), l’usage de la drogue (15,7%), les conflits financiers du ménage (14,8%) et les séquelles de la tradition (11,9%).
54,9% des interviewés considèrent que la corruption au Maroc est en hausse. Les raisons de la persistance de ce fléau résideraient en : la banalisation de la pratique (52,8%), le manque de rigueur dans l’application de la loi (32,0%) et la difficulté de présenter des preuves (15,2%).
Par ailleurs, 83,9% de la population considèrent le niveau de célérité avec lequel l’administration sert les citoyens faible.
- 8) La connaissance des ODD et les perceptions d’avenir :
Seuls 16,3% de la population enquêtée est au courant de l’engagement pris par la communauté internationale et par le Maroc d'atteindre les ODD à l'horizon 2030. Plus de 70% d’entre eux estiment que le Maroc est capable de réaliser les objectifs suivants à cette échéance : Eliminer la pauvreté, réduire les inégalités, promouvoir la bonne santé, assurer l'accès de tous à l'éducation, parvenir à l'égalité des sexes, assurer l'emploi décent pour tous, préserver l'environnement et promouvoir l'avènement d'une société pacifique.
Toutefois, les conditions que le Maroc doit réaliser pour atteindre les ODD à l’horizon 2030 dépendraient, selon les répondants, de : la réforme de l’administration, une présence plus forte de l’autorité de l’Etat, une réforme de l’enseignement, l’égalité d’accès à l’enseignement et à la santé, la démocratie, le soutien des initiatives privées ajoutés à la planification.